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.Pierre, feuille, ciseaux. [abandonné ?]

Taima
Taima
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MessageSujet: .Pierre, feuille, ciseaux. [abandonné ?] .Pierre, feuille, ciseaux. [abandonné ?] EmptyDim 11 Mar - 17:07

Il ne travaillerait pas. Pas pour nourrir une bande d'ignares aux réactions toutes plus étranges les unes que les autres. Pas pour salir ses mains à manier la fourche ou le râteau. Ça non, il ne travaillerait pas. Jusqu'alors, il avait croisé des femelles qui seraient tout à fait en mesure de s'occuper des poulets et des vaches, tout comme certains garçons aux allures nonchalantes et timides. Aucun guerrier digne de ce nom dans cette ferme, c'était bien malheureux. En même temps, cette absence de forte tête parmi les adolescents du foyer le contentait un peu ; il y avait plus de place pour sa suprématie. Seul ce gamin interlope lui causait quelques réflexions. Hm, Morgan, s'il se rappelait correctement de son nom. L'esprit un brin trop ambitieux. Il faudrait le remettre à sa place afin qu'il n'en prenne trop. Mais seul, pour le moment, il ne présentait aucune menace pour l'Indien. En vérité, personne n'était un danger particulier à ses yeux, car il savait que si conflit il devait y avoir, il gagnerait. On est chef ou on ne l'est pas.
Il ne travaillerait pas, alors pour éviter d'avoir à le faire sous la contrainte, il s'était esquivé peu avant le ralliement pour vagabonder dans le paysage. Fuir n'était pas dans ses habitudes, ni vraiment dans son vocabulaire. Mais certaines situations nécessitent l'emploi de ce terme, et son application immédiate. Disons que, pour Taima, fuir était davantage un synonyme de "ruser son adversaire en le laissant planté là" plutôt qu'une quelconque marque de lâcheté -brrr, quel sale mot. Et quoi de mieux pour disparaître de la vue de certains gêneurs qu'une grange perdue dans les champs ? Certes, c'est le lieu qu'on explore en premier lorsqu'il s'agit de retrouver des fugitifs momentanés. Mais au moins, ici, on laisserait l'Indien réfléchir tranquille.

Il poussa la lourde porte à deux battants en veillant à la refermer derrière lui. Une bête erreur que faire remarquer son passage au moyen d'une ouverture suspecte. Résultat, durant cette matinée peu ensoleillée, il se retrouva dans une pénombre à la fois jaune et grise, mais pas assez opaque pour l'empêcher de distinguer la structure du bâtiment. Une grange. C'est gigantesque de plafond, avec des poutres par dizaines qui s'entrecroisent et se heurtent pour soutenir le toit. Dans un coin étaient rangés les instruments de jardinage, un tas de seaux et de bêches. À côté, soigneusement accrochés à de grands clous de fer, les cordages pour mener les chevaux et les vaches. Le plancher craquait presque autant que les lattes à l'étage, là où Taima grimpa, au-dessus des ballots de foin. C'était comme un poste d'observation ; il dominait la grange sans qu'on puisse le voir s'il s'allongeait contre le bois. Ce qu'il fit. Cela lui rappelait les missions d'exploration qu'il entreprenait avec les autres chasseurs de sa tribu. Ils pouvaient rester des heures tapis dans les fourrés, à hululer de temps en temps pour communiquer avec discrétion. Les brindilles leur rentraient parfois dans les narines, les chatouillant jusqu'à ce qu'ils éternuent. La grange avait cette odeur de paille et d'herbe sèche.
De sa place en hauteur, Taima sortit de sa ceinture le lance-pierre qu'il avait emporté avec lui ce jour-là, et s'entraîna à viser sans tirer les cibles potentielles autour de lui. Il n'avait pas besoin de lâcher l'élastique et le caillou -ou le morceau de terre brûlée- pour faire mouche. En clignant de l'oeil, il savait s'il pouvait toucher juste ou non. Question d'entraînement. Il préférait l'arc à ce genre de fronde en bois, mais les armes dangereuses étant prohibées, il n'avait pu en acquérir. Qu'importe, son bout de bois et ses cailloux suffiraient à viser le chat qui traversait, serein, devant la porte. Taima cracha pour attirer son attention, fronçant le nez et les sourcils. L'animal leva la tête, imperturbable. Ses yeux luisaient dans l'ombre évanescente. L'Indien cracha encore et, agacé par l'impassibilité du félin, il pointa son arme et décocha la pierre. Épouvanté, le chat déguerpit avant d'être atteint et se faufila dans l'embrasure de la porte qui venait de s'ouvrir. Le caillou, lui, rebondit contre le plancher et atterrit dans l'herbe avec un bruit brut, sur le seuil, aux pieds de la personne qui s'était approchée. Qui était-ce ? Taima se recula un peu plus au fond de la grange, tout en gardant un oeil sur l'interrupteur. Un gosse du village, certainement. Il conserva sa main sur le lance-pierre et plaça un autre projectile contre l'élastique. Au moindre faux pas, vlan ! Une griffure sur la joue. Pour se venger d'avoir fait s'enfuir sa proie. Ou juste pour profiter de sa position d'attaque.


Dernière édition par Taima le Mer 21 Mar - 12:58, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: .Pierre, feuille, ciseaux. [abandonné ?] .Pierre, feuille, ciseaux. [abandonné ?] EmptyLun 19 Mar - 21:04

    Ses pas craquaient contre la terre au rythme d’un métronome que la rouille rend irrégulier dans son éternel fardeau. Ses jambes étaient telles, dans leur course féline, mais ne conservaient de cette cadence que son explosion sans en échoir l’élégance. Il levait sa truffe finement rosée vers le firmament pour dérober à l’alizée quelques exhalaisons qu’offraient les champs irisées. Ces terres lui avaient toujours inspiré le sentiment profond de quelques années d’errance oubliées, lointaines. Mais par le grand respect que lui intimait le dur labeur qu’on fournissait ici pour subvenir aux besoins de chacun, jamais il n’avait osé témoigner de quelque oisiveté malvenue. Pourtant le désir était de grand de se plonger dans les gerbes d’or pour composer des vers dans le ciel, perdu entre deux nuages. Volontaire, il abandonnait sa verte veste pour un chino large et une chemise bouffante blanche, marchant fièrement dans ses bottes en cuir que les manœuvres agricoles usaient. Il tendait ses bras de part et d’autre de son corps et caressait les épis de ses paumes sensibles.

    Reculé derrière des régiments de vergers, le curieux colibri avait banni toute autre masure que la sienne dans les limbes urbains. Quelques édifices se dressaient dans cet horizon où les horizons étaient d’orge ou de pommes, d’azur ou d’indigo. Dans cet ensemble onirique, quelque chose manquait au goût de Ganymède pour que la somme de ses plaisirs fût un bonheur. Une chose qui rendait grandissante la menace de l’ennui qu’il assassinait avec le travail, qu’il assassinait avec l’art. Pour lui, cette ferme était le meilleur endroit pour défaire le démon de la monotonie. Pourvu que l’on s’investît, on y était d’une grande utilité pour la communauté et toutes les têtes qui s’y précipitaient étaient si vives qu’on n’y voyait le temps passer. Le temps passer, ici comme ailleurs, on ne le voyait pas, mais ailleurs il avait sur les épaules de Ganymède un poids incomparable. C’était du plomb qu’on coulait en lui comme moelle et sang.

    Il fut arraché à ses rêveries par un chat qui fila depuis la fine ouverture de la grange où il se rendait emprunter des outils de travail. Il se pencha pour soulever contre lui le corps de l’animal, grimaçant au contact de quelques griffes dans sa chair avant qu’il ne parvînt à apaiser l’excitation de la bête. Dans le regard de la fragile créature, il découvrait à nouveau celui de ce même animal qui venait souvent jusqu’à la fenêtre ouverte de sa petite demeure dans le bourg. Les chats étaient certainement mélomanes ! Non, les animaux n’avaient de la poésie et des arts aucune notion. Rien ne leur aurait paru plus abscons si on leur avait donné une conscience aussi aiguë que la leur. Qu’elle était vaine sa passion…

    Son regard se posa sur la porte qui avait digéré le chat. Il y entra, conforté dans l’intérêt de cette action par le fait qu’il devait finir par s’y rendre. Son infortuné compagnon s’agita dans ses bras, crachant malgré la bienveillance qui irradiait de l’éphèbe blond. Il balaya l’obscurité de la grange du regard, outrepassant l’attitude du chat qu’il jugeait injustifiée attendu que, de mémoire d’habitant d’Espérance, rien de regrettable n’était jamais arrivé à personne. Quelle mésaventure pouvait le surprendre, lui, entre tous, dans cet endroit qui fleurissait sous l’égide du pacificateur ? Le fauve fin s’arracha à ses bras malingres pour fuir. Ganymède hésita alors :

    « Qui se cache ici ? »

    Si quelqu’un était là, il n’avait qu’à prier que cette provocation ne lui coutât pas une indésirable altercation. Si personne n’était là, il songerait sans doute en lui-même qu’il était ridicule, mais se rassurerait en se disant que personne ne l’avait entendu. Ce qui était aussi valable si l’ombre rampante ne se manifestait pas. C'était un appel lancé au néant. Une peur qui n'attendait de clé. Qui espérait même ne pas en trouver, pour se préserver de ses affres. Il avait réfléchi sans trop d’attention à la question qu’il poserait, peu convaincu par celle-ci qui accordait finalement peu de crédit à son esprit. En dépit de la confiance qui se dessinait sur lui, celle-ci s’ébranlait face au silence qui résonnait comme le lourd écho d’un marteau. Et on lui martelait que quelque danger rôdait, mais il ignorait ses pensées.

    Il fit l’examen des lieux. Tout lui paraissait en ordre, et si quelque chose ne l’était en effet pas, il le mettait sur le compte de l’agacement de la bête. Rien ne l’alarmait. Stoïque face à l’effroi qu’il tissait en lui-même et résolu, il tourna finalement les talons pour ouvrir complètement la grange et que s’y diffuse une chaleur astrale qui lui serait comme une étreinte maternelle…
Taima
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MessageSujet: Re: .Pierre, feuille, ciseaux. [abandonné ?] .Pierre, feuille, ciseaux. [abandonné ?] EmptyMer 21 Mar - 14:31

Il avait aussitôt regretté, sans se l'avouer réellement, d'avoir tiré sur ce chat. Cela avait été idiot, voilà tout. Cet acte lui rappelait les sentences des Anciens de sa tribu, ceux à la voix d'outre-tombe et à l'épiderme brûlé par le soleil des plaines. Ils tiraient sur leur pipe quand venait le soir et ses nuances empourprées, puis ils dessinaient dans la fumée des calumets les images des récits qu'ils racontaient jusqu'à la nuit. Au travers de la vapeur asphyxiante, les oies sauvages prenaient leur envol aux côtés des aigles, et la grenouille sautait dans l'eau d'un étang où s'abreuvaient les biches. Assis en tailleur auprès du feu de joie, les grands hommes faisaient résonner leurs histoires aussi vieilles que le monde. Ils déclamaient que chaque être vivant sur Terre est l'enfant de Mère nature. Que nous leur devons un infini respect car nous sommes le lien entre toutes les créatures qui peuplent les océans, les forêts et les montagnes. Les Indiens se doivent de protéger et la faune et la flore, car « La Terre n'est pas un don de nos parents. Ce sont nos enfants qui nous la prêtent. » En fin de compte, tout l'inverse de ce que Taima venait d'accomplir. Il s'était senti honteux de son geste. Et pourtant.
Pourtant, il n'avait cure de ces mises en garde. Plus maintenant, loin de ses territoires dont il connaissait la moindre brindille, le moindre souffle de vent. Oui, à Espérance, ces paroles l'indifféraient. Ici. Parce que dans ce village clos, refermé sur ses habitations, même le bien-être des animaux ne le préoccupait plus. Des animaux d'Espérance. Donc, pas vraiment des animaux. Rien à voir avec les serpents d'eau dans les lacs, les pumas au-dessus des falaises, les écureuils cendrés des pins. Rien à voir avec les loups domestiqués au fier pelage, à la brillance des saumons remontant le courant à la saison des pontes, aux abeilles affairées lorsque se mettent à éclore les premières fleurs. Pour une tache de vin sur une fourrure d'ours amérindien, mille descentes de lit espéranciennes ne suffiraient pas. Il est si étrange de constater à quel point les valeurs changent selon les affections de tout un chacun. Les animaux d'Espérance n'étaient pas vraiment des animaux. Une sorte d'hypostase du genre, quelque chose d'inachevé, de grossier. La preuve, en fuyant, ce chat montrait toute la couardise dont il était capable. Un chat d'Indien aurait sauté au visage de l'assaillant, toutes griffes dehors, la gueule figée dans un rictus de colère. Si Taima regrettait son geste, la raison en était que cela allait alerter un passant et troubler sa matinée. Un étranger. Une menace pour sa solitude comme pour le silence. Voilà où mène le combat lorsqu'il se révèle futile.
Le garçon souleva le menton pour apercevoir dans sa totalité l'inconnu qui venait dans cette grange. Il prit appui sur ses avants-bras et se ramena un peu plus près du bord. De là où se trouvait le nouvel enfant, on ne distinguait de Taima que le haut de son visage ; ses deux iris à l'éclat terrestre et sa tignasse à la nuance d'écorce. Il se l'était quelque peu emmêlée dans des brins de foin, et les rares plumes et perles accrochées à de fines tresses lui donnait l'air de s'être roulé dans un attrape-rêves cassé. Quand il secouait la tête, les breloques bariolées cliquetaient autour de ses oreilles et dans sa nuque. Toutefois, il ne se risqua pas à faire du bruit, par risque de révéler sa position. Il ne se mit à découvert qu'une demi-seconde, de quoi analyser le blondin au noble habit vert. Celui-ci portait d'ailleurs le chat fautif dans ses bras. Il paraissait plus grand que Taima, nonobstant ce n'était guère compliqué ; à quinze ans, l'Indien peinait à compléter son mètre soixante-dix. Dans les rayons solaires, son épiderme prenait des allures diaphanes, rendant plus vifs l'éclat de ses prunelles. Par la couleur de sa chevelure, l'ami des félins ressemblait aux images des esprits des rivières dont s'était abreuvée l'imagination du jeune guerrier. C'était en effet cette représentation qu'il avait des entités aquatiques ; un camaïeu verdâtre pour une maigre évanescente.

« Qui se cache ici ? »

Taima roula sur le côté jusqu'à se dissimuler derrière un énième ballot de paille. Son trouble face à ce timbre feutré n'effaçait pas l'aversion illégitime qu'il avait pour son propriétaire. L'Indien ne comptait pas se révéler, ou du moins pas tout de suite. Pas de cette manière. Il n'appréciait que trop peu ces présentations basiques, ces "Bonjour, moi Untel, toi ?" Excès de gentillesse. Familiarité indécente. D'où les premières rencontres se déroulaient selon une ambiance bon enfant, quand bien même il n'y aurait à Espérance que des enfants ? Dans sa tribu, il fallait prouver sa valeur pour être intégré au groupe ; dehors les mignardises infantiles. Ce fut lorsque l'ondin vêtu de vert que Taima comprit qu'il ne pourrait pas rester immobile en présence de l'Autre. Au grincement caractéristique des battants de la porte, il bondit sur ses pieds, non sans demeurer derrière sa montagne de foin.

« Ne touche pas à cette porte ! Tu vas me faire repérer ! »

Il se surprit lui-même de la puissance de son exclamation. Dans le vaste espace de la grange, sa voix se répercuta contre les murs de bis avant de filer par l'ouverte béante et prendre la clé des champs. On aurait dit l'intervention divine qui s'abat sur terre. Par intérêt plus que par plaisir, le garçon continua sur sa lancée. Cerner son adversaire est primordial. Mais surtout, ne pas risquer de se trahir par son propre langage.

« Ton nom ? Ton âge ? Et ferme cette grange, tu n'as pas besoin de tant de lumière pour voir. Qu'est-ce que tu es venu faire ici ? Je m'entraîne, alors je ne veux pas être dérangé par des bêtes papooses... »

Palsambleu. Heureusement qu'il cherchait à contrôler ses paroles ; qu'est-ce que cela aurait donné sinon ! Il jura contre son emportement que lui faisait oublier le dialecte d'Espérance. Enfin, tant mieux s'il réussissait toujours à user du sien ; la trépanation du directeur n'avait donc pas eu tous les effets désirés. Ces mots échappés sans son autorisation restaient la démonstration de son attachement à ses racines et un morceau de sa rébellion personnelle contre ce joli petit monde au double-jeu. Et puis, s'il n'était pas du Foyer, le garçon blond ne reconnaîtrait pas Taima par trois simples syllabes. Anonyme : 0. Taima : ½.
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MessageSujet: Re: .Pierre, feuille, ciseaux. [abandonné ?] .Pierre, feuille, ciseaux. [abandonné ?] EmptyMer 21 Mar - 20:06

    « Ne touche pas à cette porte ! Tu vas me faire repérer ! »

    Ces paroles résonnèrent comme une sentence dans son crâne. Son écho fut ce tocsin qui inviterait les badauds à se joindre pour applaudir un sac entêté ou une guirlande agonisante. Dans sa précipitation, l’oraison avec précédé le verdict et en chœur avec cet avertissement lancé dans son dos, il avait psalmodié dans sa tête des Te Deum dépourvus de foi. L’abîme avait écarté son être et, de profundis… il priait que sa paranoïa fût passagère et qu’elle ne trouvât pas de motif de justification dans ce qui suivrait. Il se figea en prenant une respiration calme. Le moment n’avait duré que quelques secondes, à peine le temps avait-il accompagné la poursuite de son bras contre les portes de la grange, mais cet arrêt avait été une éternité de doute, l’oppression de tous les damnés jaillissant en un sentiment spontané. Une impression ; aussi abstraite que l’écoulement des sabliers d’Espérance.

    Il était éreinté et ne se distrayait qu’à grand-peine ces temps-ci. Son travail le tourmentait tellement qu’il trouvait habituellement en la grange un havre de paix. Mais, il avait été souillé, et tout ce monde s’effondrait alors que son dernier espace de refuge avait été assailli. Il ne lui restait que le chaos de son esprit. Que lui arrivait-il ? Etre ainsi perturbé n’était rien de ce qu’il était habituellement. Peut-être était-ce l’annonce de la prochaine cérémonie organisée par l’homme céleste ? Le Reflet le terrifiait plus que la névrose contre laquelle il s’en allait volontiers en guerre. Certes, la chaleur de leur bienveillant protecteur les rassurerait un temps, mais son ennemi rôderait. On les habituait tant à la sérénité qu’ils se lassaient de sa saveur. Ils faisaient de la tranquillité leur caractère et devenaient impuissants. Leurs émotions devenaient dociles, leurs passions muselées. Animaux en cage, l’ange déchu, par jalousie, les privait de leurs ailes.

    Calmé, il rouvrit ses yeux qu’il avait fermés ainsi qu’il en avait pris le mécanisme dès que des crises intérieures le prenaient. Elles étaient si rares. Mais, envisager la possibilité d’une présence hostile dans la clé de voûte de la communauté avait ébranlé ses certitudes. Cette grange était la nef de Ganymède où il trouvait l’appui divin pour garder confiance en chacun. Dans la ferme, il connaissait la plupart des jeunes, au moins de vue, puisqu’il venait souvent pour travailler. Il ne se mêlait pas trop à eux, parce qu’il voulait laisser à celui qui les encadrait la voix pour les guider, un chant de lumières salvatrices. Il ne savait finalement s’il valait mieux s’accommoder de la cruauté d’un monde fait de tous les fantasmes, ou s’enthousiasmer d’une contrée où rien n’est ennemi. Celui qu’il avait identifié comme un ennemi, d’ailleurs, en était-il un ? Il se précipitait dans ses jugements. Il se retourna et fouilla la grange du regard à la recherche de ce hululement de détresse, découvrant bientôt entre des bottes de foin deux fruits d’automne, pernicieux comme les serrures d’une boîte à malice, hérissés sur un corps juvénile. Voir le jeune homme le rassurait. La peur de l’inconnu était grande, celle d’un danger qu’on ne pouvait identifier, et commune à tant d’hommes. Déjà lui lançait-il, alors que Ganymède ne commençait qu’à le détailler après qu’il se fût remis de sa surprise :

    « Ton nom ? Ton âge ? Et ferme cette grange, tu n'as pas besoin de tant de lumière pour voir. Qu'est-ce que tu es venu faire ici ? Je m'entraîne, alors je ne veux pas être dérangé par des bêtes... »

    Il marmonna une chose que Ganymède ne parvint pas à saisir. A peine avait-il pu sentir le bruissement de ses lèvres esquisser un mot. Il resta immobile à l’observer, distinguant mieux la silhouette de l’enfant. Pour le satisfaire, et toujours sans lâcher un son supplémentaire depuis sa question, il se retourna pour fermer un peu les portes. Puis, il progressa dans la grange, s’approchant d’un endroit où étaient entreposés des outils à quelques pas de son compagnon involontaire et, mimant la désinvolture, déclara :

    « En fait d’alarme, ton cri aura été plus efficace qu’un peu de lumière dans ce bâtiment. »

    Il s’appuya sur une pelle, tourné vers l’autre enfant, et le regarda pour le sonder. Il ne savait pas comment il pouvait réagir. Il ne croyait pas le connaître. Mais, avec la peur qu’il avait eue, dont il n’était toutefois que la cause dernière au sein d’un redoutable appareil d’une multitude, il pouvait se permettre un zeste d’arrogance infantile. De cette provocation qui est en partage entre toutes les innocences. Ce n’était pas la confrontation qu’il voulait, moins encore la joute verbale, mais un échauffement dans lequel créer une alchimie ou une rupture, une étincelle pour qu’il sût si c’était là un ami ou une vipère. Sa voix légère ponctua la solennité de ce silence :

    « Je suis Ganymède, et j’ai dix-sept ans, si cela peut t’être d’un quelconque usage. »

    Il marqua un silence. Une pause pour donner du rythme à ses paroles, puis délaissa son sérieux dramatique et continua d’une voix révélant son inclination à plaisanterie :

    « Tu t’entraînes ? A chasser le chat ? l’interrogea-t-il. Ou à te cacher, peut-être, mais si c’est pour t’entraîner, tu devrais le faire dans un endroit fréquenté. Enfin... tu es délogé même dans ceux qui ne le sont pas. »

    Sa voix était volatile. C’était la fragrance d’un printemps où riment les éclats de rire et la célébration des souvenirs. Il avait déjà oublié l’épisode de son entrée, et l’incertitude, face à cette personne qu’il voulait découvrir, maintenant qu’elle l’avait interpelé. Il était curieux, et il ne lui en avait pas moins fallu pour lui rendre sa gaieté qu’un visage dont il ne connaissait pas encore les creux et les nuances. Il acheva de répondre à sa question en se redressant, le manche éculé de la pelle dans sa main droite :

    « Quant à moi, je suis venu chercher de quoi travailler ! Pour passer le temps… Ou quelque chose comme ça. Qu’importe, pour travailler. »
Taima
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MessageSujet: Re: .Pierre, feuille, ciseaux. [abandonné ?] .Pierre, feuille, ciseaux. [abandonné ?] EmptyVen 23 Mar - 15:10

L'atmosphère était étrange. Pas pesante, non, nous ne sommes pas en plein cœur d'un interrogatoire à la lueur d'une lampe de chevet, pas plus qu'au milieu de retrouvailles tendues entre deux ennemis jurés. C'était quelque chose de suspendu, presque autant que le temps d'Espérance et pourtant bien moins perturbant. Aucune sueur froide n'était à déplorer, aucun frisson valsant sur l'échine, aucun grincement de dents aussi crissant qu'un archer sur un violon sec. Ils s'observaient juste, avec cette même rigidité solennelle dont l'homme use face à un inconnu qui lui échappe. Un inconnu qu'il ne peut nommer parce qu'il n'en a jamais rencontré de ce type-là. Il existe d'innombrables inconnus dans ce monde. Certains sont superbes, tels les cerfs plantés sur leurs membres frêles, humant un effluve dangereux couleur incendie. D'autres sont terrifiants, et le désert sous un clair de lune absente illustre à merveille l'angoisse que l'on ressent en sa présence. Enfin, quelques inconnus se révèlent simplement...

« En fait d’alarme, ton cri aura été plus efficace qu’un peu de lumière dans ce bâtiment. »

Incompréhensibles.
L'ondin avait pourtant fait preuve de beaucoup de mansuétude en acceptant de refermer -un peu- les portes de la grange. À ce geste, Taima s'était senti à la fois satisfait de son charisme de carton-pâte, et néanmoins irrité de ce manque de répartie de la part du futur-ex-anonyme. C'était sans compter sur sa riposte verbale qui vint heurter les neurones de l'Indien. Cette manière de s'exprimer, cette énonciation réfléchie, cette limpidité sous couvert d'obscurité. Napoléon. Hideuse similitude. Comme si, alors qu'il cherchait la solitude, l'adolescent ne pouvait se défaire de son rival de toujours, son concurrent à l'habit bleu, son opposant dont les plumes d'autruche n'ont rien à envier à celles des pygargues à tête blanche. Là, le vis-à-vis était vêtu de vert mais dans sa posture, ses intonations -quoi que plus douceâtres que celle du Français- quelque chose les rapprochait. Dans le passé, Taima fermait ses écoutilles au moment où l'empereur de pacotille se lançait dans ses discours échevelés, a fortiori lorsqu'il se mettait à discutailler sur les femmes. S'il y avait bien un sujet sur lequel Taima refusait toute conversation, c'était celui-ci. Comment un homme sur le sentier de la guerre, mousquet fictif sous le bras, pouvait-il penser à ces êtres versatiles ? On voyait d'ailleurs où cela avait mené Napoléon ; la tentative de séduction par Blanche s'était soldée par un échec cuisant et elle s'était vengée. Pourtant, sa sensualité, sa lippe écarlate et ourlée juste ce qu'il faut, sa stature de déesse grecque et ses paroles enchanteresses n'avaient en rien contribué à ce que l'Indien la rejoigne, comme en contrepartie de l'empereur. Il ne s'était pas enrôlé par souci d'orgueil, en dépit de l'étiquette pécheresse qu'on lui avait accolé. S'il s'était joint à la gourgandine et à son groupe, c'était sous une espèce de contrainte latente. La carnassière ou la soumission au directeur. Le choix n'avait eu à subir aucune réflexion préalable, aucune hésitation. Et pourtant, il s'agaçait lui-même d'être considéré comme un vulgaire rebelle, un chercheur de noises en puissance, un cabot sous le talon d'une traînée. Faux. Taima est au-delà de toutes ces petites histoires de domination. Taima est au-dessus de la montagne, au-dessus de ce ridicule champ de bataille.
Enfin, l'Indien revint à la grange, à son parfum de bois, d'herbe et de ferraille.
L'adolescent fit quelques pas, descendant de son piédestal jusqu'à toucher la terre, en l'occurrence les lattes grinçantes du bâtiment. Il ne s'approcha toutefois pas davantage de l'autre garçon, parce qu'il sentait que plus il s'avançait et plus la différence de taille serait visible. On ne se refait pas. Ensuite, instaurer un contact aussi trivial ne l'intéressait pas. Il imaginait trop de perniciosité dans l'esprit de cet étranger ; cela s'entendait au travers de ses paroles, de son timbre malsain. Et puis, il faut toujours conserver une distance de sécurité avec quelqu'un qui s'appuie sur une pelle. Qu'il y ait expérience désagréable ou non. Une pelle est l'ennemi numéro un d'une cervelle, sauf à la rime.

« Je suis Ganymède, et j’ai dix-sept ans, si cela peut t’être d’un quelconque usage. Tu t’entraînes ? A chasser le chat ? Ou à te cacher, peut-être, mais si c’est pour t’entraîner, tu devrais le faire dans un endroit fréquenté. Enfin... tu es délogé même dans ceux qui ne le sont pas. »

Devait-il répondre ? Et si oui, dans quelle mesure ? Taima n'était pas du genre à se dévoiler selon le bon vouloir de ses interlocuteurs, malgré le fait qu'il préconisait l'inverse. Faites ce que je dis et pas ce que je fais. D'autant plus qu'en apprenant ce patronyme et l'âge qui allait de pair, son précédent sentiment de prudence eut tendance à s'accroître. Ces sonorités râpaient. /ɡa.ni.mɛd/ Même les pierres avaient des résonances plus douces. Et dix-sept ans. Cela ne lui était d'aucun usage, c'était de la connaissance pure et simple. Avant de se lancer dans la bataille, un chef doit toujours en apprendre le plus possible sur ses adversaires, pointer leurs forces et leurs faiblesses, contrer le tout et vaincre. Aucun conflit ne se présageait, cependant c'était un réflexe guerrier des plus ordinaires. Ajoutons aussi que l'auteur sentait mal le fait de répéter « l'Anonyme » à chaque mention du blond.
Taima eut un rictus. Comme à son habitude, sa canine vint se loger contre sa lèvre, perle d'un blanc cassé sur une rivière pâle. C'était entre l'amusement et l'exaspération. Il comprit que le dit Ganymède n'était pas un lapin qui détalerait au moindre obstacle, à la moindre crainte ; ce serait plutôt la figure du raton laveur. Sournois, rusé, mais peu enclin au combat et adepte de la technique du mort. Encore pouvait-il se tromper. On n'attribue pas des comportements avec quelques phrases, encore moins lorsqu'on ne les comprend pas dans leur totalité.

« Quant à moi, je suis venu chercher de quoi travailler ! Pour passer le temps… Ou quelque chose comme ça. Qu’importe, pour travailler. »

Plus de rictus. Une moue révélatrice d'une estime en baisse. Vexation, frustration ? Il venait de recouvrir son caractère de chat sauvage mouillé.

« Quand on doit ses découvertes qu'au bon vouloir de celles-ci, on fait pas le paon. Je m'entraîne parce que c'est ainsi qu'on acquiert expérience, maîtrise et force. Les corvées sont pour ceux qui n'ont rien à cultiver en dehors des champs. C'est pas mon cas. Passe ton temps tout seul. »

Il en mangeait ses négations. En la personne de Ganymède, Taima visualisait les sermons que lui aurait bien adressé Bird, en piquant de son bec les manquements de l'Indien au règlement de foyer. Taima dépréciait le directeur pour cette rigueur dogmatique. À croire que réguler la vie de ses « protégés » allait les aider à s'intégrer. De toute manière, qu'il soit au Foyer, au sein de Nahash ou dans le bourg, l'adolescent n'avait pas sa place. Ce village semblait le renier de tout son être. Que dis-je, il ne semblait pas, il le reniait tout simplement. Pourquoi chercher ailleurs une explication à ses disparitions sous prétexte d' »entraînements » ? Certes, le garçon s'entraînait vraiment, mais il se serait su accepté avec son caractère de chacal que son attitude se serait faite plus docile. Alors, encore heureux qu'il soit rejeté. Un Indien digne de ce nom ne se soumet jamais, pas plus qu'il n'abandonne son caractère de chacal. Fier d'être ce qu'il est.
Ses breloques tintèrent contre ses joues lorsqu'il tourna la tête vers un empilement de seaux grisâtres, près du mur des outils de jardinage.

« Regarde. »

Il dégaina son lance-pierre, visa le plafond. Plaça un caillou, étira l'élastique. Relâcha. Le projectile décrivit une arabesque parfaite avant de se loger dans le récipient le plus en hauteur, et on l'entendit tournoyer une seconde contre les parois circulaires avant de s'immobiliser.

« Si j'avais eu mon arc ou ma lance, c'est le seau entier qui y serait passé. Je ne perdrai ce que j'ai appris, c'est pourquoi je m'entraîne. Sinon je serai entièrement corrompu par cet... endroit. Travailler, c'est accepter l'asservissement. »

Travailler, c'est s'animaliser. Bête de somme à l'aspect humain.
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