La rosée du soir venait à peine d’être déposée avec soin par les petits doigts de Mère Nature. Sur les feuilles vertes du printemps, quelques gouttes bien grasses roulaient pour exploser sur le sol de terre. Elle avait été bien généreuse en jour. C’était ce qu’avait remarqué Blanche du haut de sa fenêtre. L’air se faisait frais malgré tout, alors ses épaules frissonnèrent et sur sa peau, quelques grains apparurent. La Belle avait en ce soir, les cheveux totalement détachés qui ondulaient le long de la courbe de ses reins et une robe bien légère pour supporter la brise qui s’engouffrait entre les rideaux de la chambre. Quelques unes de ses mèches dansaient d’ailleurs, tandis que sa robe flottait doucement. La pièce était vide de vie, seule, elle était présente. C’était un de ses soirs où il devait venir, principalement pour parler des Nahashs, puis généralement, cela finissait autrement. Ce qui était étrange avec lui, c’était qu’elle était plus ou moins faible face à lui. Il avait le désagréable don de la faire facilement succomber, par des mots, des caresses, des baisers, parfois simplement avec un regard. Pourtant, même si elle ne cédait pas à tout, elle finissait par acquiescer assez rapidement. Cela l’enrageait après coup, mais c’était Midas, et il était spécial.

Si spécial d’ailleurs que s’en était pratiquement son bras droit. C’était pour cela qu’elle le convoquait souvent le soir dans sa chambre, pour parler affaire. C’était la veille de l’annonce publique où ils dénonceraient Bird pour ses méfaits, et pour les objets changeants. C’était la veille de son discours et bien qu’elle puisse paraître forte, elle avait légèrement le trac comme une actrice avant de monter sur scène. A vrai dire, l’enjeu était plutôt élevé, puisque c’était la plus grosse annonce qu’elle ait à faire, devant tout le monde. D’habitude, elle se contentait de convertir un petit groupe ou une personne, cela prenait du temps, mais elle les enrôlait bien. Là, le but était de faire germer dans la tête de tous ces petits habitants l’idée que Bird était mauvais et qu’il fallait le lâcher. Ce n’était pas mince affaire, c’était aussi une carte dangereuse à jouer, puisque dans la population, il y aurait toujours des pro-Bird.

Accoudée à sa fenêtre elle soupira doucement et laissa son visage tomber entre ses mains en l’attendant lui. Bien évidemment, la porte était ouverte, bien évidemment sa tenue légère n’était pas innocente, et bien évidemment, la table dressée d’un thé au jasmin non plus. Midas avait le don de l’apaiser incroyablement, alors en l’attendant, elle laissa ses bras frissonner en leur laissant le soin de dégager leur odeur de vanille.

« Tu m’as fait demander ? »

Un rire s’échappa du fond de sa gorge, toujours accoudée à la fenêtre, dans sa position cambrée. Un frisson plus fort la traversa cependant et lentement, elle se redressa , toujours face au dehors. « Je ne m’en lasserai jamais » dit-elle doucement avant de fermer les volets, histoire de laisser encore un peu flotter les effluves de vanille et d’ambre. Doucement, elle replaça une mèche de cheveux à sa place et posa ses yeux de chat sur lui. « C’est vraiment un plaisir de te voir venir à ma demande tu sais » se plût-elle à dire, pour insister.

Elle se trouvait près du tas de coussins et lui proposa de s’y installer avant de faire de même, avec la simple petite différence qui était qu’elle se mit contre lui. La robe recouvrait ses jambes, seuls étaient à découvert : ses bras et sa gorge qu’elle commençait à doucement offrir pour qu’il puisse humer le parfum sucré qui s’y logeait. C’était vraiment un plaisir oui, de le voir agir comme tous les hommes alors qu’il n’était justement pas comme tous. « Je t’ai demandé de venir pour savoir si tout était prêt pour demain ? » commença-t-elle à dire. Lentement, sa main se plût à effleurer quelque boutons de sa chemise avant qu’elle ne s’asseye correctement dans les coussins. Et comme une épouse, elle se pencha pour servir le thé. C’était une autre de leur particularité, que de jouer au couple. Parfois c’était amusant, d’autre simplement stimulant. En ce soir, le besoin de la jouer bestiale n’était pas de mise, au contraire, c’était plus du réconfort et de la confiante dont la Belle avait besoin. Midas savait assez bien se corrompre pour remplir ce rôle, hum. « As-tu vérifier que toutes les preuves étaient en lieu sûr ? Que les gens viendront demain ? »

Elle soupira et lui offrit sa tasse. « J’ai vraiment envie que pour une fois, ces habitants ouvrent leurs yeux de naïfs. Il m’insupporte de plus en plus, si tu savais Midas, totalement incapable et inutile. J’en viens à souhaiter que son existence ne soit plus » dit-elle en enroulant nerveusement une mèche de cheveux autour de son index. « Rahhh, inutile qu’il est ! »